par swift11 » 24 Mars 2020 06:47
Dans la foulée des efforts mondiaux de recherche pour combattre l’épidémie de coronavirus, un essai clinique européen a été lancé dimanche dans au moins sept États membres, dont la Belgique.
Coordonnée par l’Institut français de la recherche médicale, cette étude baptisée Discovery choisira 3 200 patients européens, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne, pour tester quatre traitements expérimentaux contre le coronavirus. Parmi ceux-ci, l’hydroxychloroquine, cette molécule vantée par le controversé directeur de l’Institut Méditerranée Infection de Marseille, Didier Raoult, mais dont l’efficacité contre le Covid-19 reste à confirmer.
Pour rappel, l’hydroxychloroquine, commercialisée en Belgique sous le nom de Plaquenil, est un médicament utilisé pour soigner certaines maladies inflammatoires auto-immunes, en particulier le lupus érythémateux disséminé. "On sait depuis un certain temps que ce médicament peut exercer des effets antiviraux au laboratoire", explique Michel Goldman, professeur d’immunologie médicale et codirecteur de l’Institut I3h, à l’Université libre de Bruxelles. En 2004, des scientifiques belges de l’Institut Rega de Louvain publiaient une recherche sur l’usage de la chloroquine contre le virus du Sars-CoV, proche du virus Sars-CoV-2 (à l’origine de la maladie Covid-19). "L’idée n’est donc pas neuve, M. Raoult n’en a pas la paternité. Elle ne s’est toutefois pas traduite jusqu’ici dans la pratique médicale", ajoute M. Goldman.
"Sans une étude, on ne saura pas si c’est efficace"
Le 17 mars dernier, le professeur Raoult a publié une étude concluant que cette molécule pourrait diminuer la proportion de patients porteurs du Covid-19 après six jours de traitement, même si plusieurs scientifiques ont émis des réserves sur la méthodologie suivie et appelé à la prudence. En parallèle, certaines études en laboratoire ont déjà donné des résultats prometteurs quant à l’efficacité de la chloroquine contre le Sars-CoV-2 in vitro. Les expériences chinoises sont aussi encourageantes. "Certains se demandent donc pourquoi ne pas essayer. C’est là que des essais (comme Discovery) sont importants. Si on administre de l’hydroxychloroquine à l’aveugle, sans un suivi rigoureux et des règles précises - dans le cadre d’une étude clinique - , on ne saura jamais vraiment si c’est efficace", précise M. Goldman. Et d’ajouter : "Sans une démonstration scientifiquement solide, on ne rend pas service à la collectivité. Il est important de pouvoir tirer des conclusions qui s’imposent à tous."
Un protocole thérapeutique belge consiste d’ailleurs déjà à administrer de l’hydroxychloroquine à tous les malades de Covid-19 hospitalisés et, en plus, du remdesivir intraveineux à tous les patients intubés. Médicament antiviral expérimental, initialement testé dans le traitement de l’infection par le virus Ebola, le remdesivir figure aussi parmi les quatre pistes explorées par l’essai clinique européen. Seront également testés : le lopinavir et le ritonavir, utilisés dans le traitement contre le VIH, ainsi qu’une combinaison de ceux-ci avec l’interféron bêta. "C’est une cytokine - hormone du système immunitaire - aux propriétés antivirales. Nous en produisons tous quand nous sommes infectés par un virus. L’interféron bêta est par ailleurs un médicament approuvé pour le traitement de la sclérose en plaques. L’interféron bêta a été développé surtout pour la sclérose en plaques", note M. Goldman.
La piste privilégiée par l’essai clinique Discovery est donc celle de médicaments déjà existants. "La situation est dramatique, il faut donc aller vite. Si on démontre leur efficacité (contre le Covid-19), ces traitements peuvent être administrés dès aujourd’hui. Ces médicaments ont déjà passé tous les tests requis pour s’assurer de leur sécurité et ils pourront être vite produits en grande quantité si leur efficacité est prouvée", explique M. Goldman.
Par ailleurs, cet essai présente un caractère "adaptatif", en ce qu’il entend s’adapter "très rapidement", "en temps réel" aux résultats, notamment pour abandonner les traitements inefficaces et les remplacer par d’autres molécules prometteuses. L’efficacité et la sécurité du traitement seront analysées et évaluées 15 jours après l’inclusion de chaque patient à l’étude.