Les premiers cas d'arnaques à la domiciliation bancaire commencent à être médiatisés. Croyez-moi ce n'est qu'un début. Les grosses affaires vont se multiplier.
RTL Info.be a écrit :Grégory arnaqué par des domiciliations bancaires intempestives: "C’est aberrant, il leur suffit d’un numéro de compte"
Grégory a été victime de ce qui pourrait être une nouvelle forme d'arnaque. Des domiciliations intempestives ont été effectuées sur son compte, sans qu'il n'ait souscrit au moindre abonnement, ou signé le moindre papier. La faute à qui ? Au nouveau système européen baptisé SEPA, étonnamment laxiste. Suite à son témoignage, nous avons enquêté.
Mathieu Tamigniau | 26 Août 2014 06h24
Depuis le mois de février 2014, la norme SEPA (espace unique de paiement en euros, en anglais Single Euro Payments Area) a franchi un nouveau palier, les banques belges devant appliquer toute une série de nouvelles règles et procédures.
Vous avez forcément remarqué des changements en termes de virements et de numéros de compte.
Mais vous ne savez sans doute pas ce qui a profondément changé au niveau des domiciliations bancaires, cette opération qui permet à une société de service (Electrabel, Voo, etc) de prélever automatiquement le montant des factures sur votre compte.
Or, ces modifications importantes ont une grosse faille de sécurité, qui a coûté de l’argent à Grégory, sans doute victime d’une arnaque. Il a contacté la rédaction de RTL info via la page Alertez-nous. "ING m'a dit que (le nouveau système de domiciliation) était un principe de confiance mutuelle, mais sans que je ne souscrive à aucun service, une société au Pays-Bas que je ne connais pas du tout m'a débité de 6€ tous les trois jours pendant 10 jours".
Comment fonctionnent les nouvelles domiciliations ?
Depuis le 1er février 2014, les domiciliations ne sont plus gérées par la banque mais directement par le créancier (celui qui doit encaisser de l'argent, comme Electrabel). C'est un changement d'une importance majeure.
Ce créancier doit avoir en sa possession un mandat signé par le débiteur (l'utilisateur du service, comme vous), avant de prélever de l'argent sur son compte. Ce mandat est un papier considéré comme un "accord commercial".
Auparavant, ce mandat était pris en charge et conservé par les banques. Vous deviez signer un papier et l'envoyer à votre banquier pour rendre la domiciliation effective.
Mais pour uniformiser les domiciliations au niveau européen, un nouveau système a dû être implanté. Il répond au doux nom de "SEPA Direct Debit".
Et avec ce nouveau système, c'est donc le créancier qui gère ses propres mandats. Ce qui, du point de vue du citoyen lambda, parait étrange: pourquoi n'est-ce pas le débiteur (le client, donc) qui met en place, via son PC Banking ou un guichet, un ordre de domiciliation pour payer ses factures? Cela éviterait toute (tentative de) fraude.
Car vous avez compris où l'on veut en venir: des domiciliations ont été effectuées sur le compte ING de Grégory sans que celui-ci n'ait signé le moindre mandat.
Personne ne vérifie à l'avance si vous avez signé le mandat
Ce mandat, un bout de papier (théoriquement, donc) obligatoire pour établir une domiciliation, est d'apparence libre, mais il doit contenir des informations essentielles. La Banque Nationale de Belgique a mis un exemple à disposition (découvrez-le sur cette page).
"Les mandats SEPA Direct Debit Core (le nom bancaire officiel des domiciliations, NDLR) sont ouverts par le créancier lui-même au moment où il demande un paiement pour la première fois. Légalement, le créancier est tenu d’avoir en sa possession, à l’ouverture d’un mandat, un document signé par le client", nous a expliqué Benoît Lempkowicz, du service communication d'ING.
Derrière les mots "est tenu de", on a la confirmation que même s'il n'a pas de mandat dûment signé, le créancier peut débuter ses domiciliations.
Il peut donc puiser les montants qu'il veut sur le compte de n'importe qui, sans l'autorisation du titulaire…
Cela parait une faille trop grande pour être authentique, mais c'est pourtant bien ce qui s'est passé avec Grégory.
Pas de vérficaiton a priori, donc, mais plutôt des rectifications a posteriori, en cas de problème. Vous avez dit "bizarre" ?
Qu'est-il arrivé à Grégory ?
Durant le mois de juillet, Grégory s'est rendu compte qu'il y avait d'étranges transactions sur son compte. "Une société basée aux Pays-Bas, avec pour seul mention 'NAAM', a prélevé automatiquement, via un ordre de domiciliation, 6€ tous les trois jours pendant 10 jours", nous a-t-il confié.
Il nous a pourtant assuré qu'il n'avait "souscrit à aucun service, et encore moins demandé de domiciliation", et "jamais entendu parler de la société NAAM".
Après avoir signalé et réglé le problème avec sa banque ING, où il possède un compte en ligne gratuit, Grégory a de nouveau aperçu une tentative de domiciliation.
"Le numéro du créancier était le même, mais il avait créé un nouvel ordre de domiciliation, avec pour mention, cette fois, le nom 'Global Network Service'. J'ai rappelé ING et je l'ai fait bloquer".
ING: "13 mois pour demander un remboursement"
Il y a donc visiblement un bug, ou une tentative d'arnaque. "Dans le cas présent, le créancier et le débiteur n’étant pas d’accord sur l’existence dudit mandat, ING Belgique contactera directement le créancier pour en obtenir une copie", nous a expliqué le porte-parole d'ING. Copie que la banque ne trouvera vraisemblablement pas…
Heureusement, la banque a appliqué l'une des règles de cette nouvelle domiciliation, "qui protège les débiteurs": le remboursement sans condition.
"Jusqu'à 8 semaines après le prélèvement, le débiteur peut demander le remboursement de l'argent (sans spécification et de manière inconditionnelle)". De plus, "le client peut, grâce à Home’Bank, 'verrouiller' le créancier de sorte qu’il ne puisse plus faire de prélèvement". Enfin, "s'il s'avère que le prélèvement n’est pas justifié (opération non autorisée), le débiteur dispose de 13 mois pour demander un remboursement".
Grégory a été remboursé pour les domiciliations, mais…
Grégory a en effet été immédiatement remboursé par ING. "Ils m'ont remboursé les domiciliations perçues dès que je les ai contestées", nous a-t-il confirmé. "Mais à la fin du mois, quand mon compte était à 0, il y a eu d'autres tentatives de prélèvement. Les transactions ont été annulées, car je ne peux pas descendre en négatif. ING m'a alors infligé trois fois une amende automatique de 8 euros !", s'est insurgé cet habitant de la région de Marche-en-Famenne.
"Cela fait deux mois et demi que j'attends qu'ils me remboursent ces pénalités. Ils m'ont également promis une enquête sur cette histoire de domiciliation intempestive. Mais je n'ai aucune nouvelle".
ING méfiant ou prudent ?
Nous avons demandé à ING pourquoi cela n'avait pas encore été fait. "Pour l’instant nous sommes en train de rechercher les causes exactes du problème et nous ne pouvons pas nous prononcer tant que tous les éléments ne sont pas en notre possession. Il va de soi que s’il devait s’avérer qu’ING a commis une erreur dans ce dossier, le client serait indemnisé", nous a écrit Benoît Lempkowicz.
D'habitude, dans ce genre de cas, la banque rembourse le client sans broncher, par crainte d'une mauvaise publicité ou de la propagation d'une méfiance générale. Mais dans ce problème sans précédent ("c’est la toute première fois que nous sommes confrontés à pareil cas", nous a confirmé ING), la banque semble jouer la carte de la prudence.
Grégory va changer de banque
Dans tous les cas, et même si le problème – a priori – n'est pas propre à ING, pour Grégory, c'est tout vu: "Je change de banque".
Selon lui, les sociétés "peuvent se servir comme elles veulent. C'est aberrant et inadmissible, il suffit d'avoir un numéro de compte".
De plus, "si il y a une anomalie, comme le problème que j'ai eu, et qu'elle se reproduit, ING doit intervenir". La banque a fait le strict minimum: le remboursement légal. Pour le reste, elle semble attendre...
Mathieu Tamigniau (Twitter: @mathieu_tam)